Les religions de l'Inde sont nombreuses: culte des déesses mères aux temps préhistoriques, védisme connu par des textes en sanskrit et évoluant vers le brahmanisme et l'hindouisme, bouddhisme et jaïnisme, christianisme, islam. La religion la plus largement pratiquée dans l'Inde actuelle est l'hindouisme : 83 % de la population. Le bouddhisme très épandu en Inde du Ille s. av. J.-C. au X Ile s. ap. J.-C. ne comprend plus qu'un nombre très faible d'adeptes (3 % comptés avec les chrétiens) et sa variante, le jaïnisme est pratiquement inexistant (0,4 % de la population).
Les religions préhistoriques sont encore mal connues en Inde. Les populations de l'Indus adoraient certainement des divinités associées à un culte de la fertilité. Les fouilles de Harappa dans le Sind ont livré des statuettes de déesses-mères, des sceaux d'argile ornés de personnages associés à des animaux ou à des arbres ayant sans joute une signification religieuse, de nombreuses représentations du taureau unicorne.
Au XIII" au Ville s. av. J.-C. des tribus indo-européennes, ou
aryennes, installent peu à peu une nouvelle culture en Inde, révélée
par des textes utilisant la langue sanskrite, les Véda dont le nom signifie"
Le Savoir " OU" la Science ,'. On attribue une origine divine à
ces textes en vers et en prose : environ 80000 vers divisés en strophes,
ayant une valeur sacrée en rapport avec la liturgie des rites religieux,
auxquels ;'ajoutent des formules en prose.
Les Véda, au nombre de quatre, constituent une oeuvre littéraire
exceptionnelle comprenant des poésies, des traités techniques,
des recettes magiques, des légendes et récits mythologiques et
même des pièces théâtrales, formant pour les Indiens
un tout indissociable.
Les dieux védiques sont assez nombreux. Ils représentent essentiellement
des forces naturelles dont on s'assure les )ienfaits par des offrandes.
Les dieux les plus importants sont: Mitra, Indra, Varouna, Agni et Soma.
Mittra est le dieu de la lumière (homologue du dieu iranien v1ithra personnifiant le Soleil). Il assure avec Varouna le mainien de l'ordre cosmique. C'est un dieu bienveillant.
Varouna, dieu de la nuit, inspire la crainte et l'effroi. C'est un dieu très puissant.
Indra est le dieu guerrier, émetteur de tonnerre et dispensateur de pluie, qui a pour attribut le foudre (Vajra).
Agni, dieu du feu est aussi le protecteur du foyer domestique
Soma désigne curieusement une liqueur d'immortalité assimilée
par les prêtres au roi des dieux et prenant de ce fait place dans le panthéon
védique.
On vénère aussi Chandra {la Lune), Soûrya {le Soleil), Yama
{la Mort), Oushâs {l'Aurore), Roudra {dieu des catastrophes qui sera assimilé
plus tard au dieu Çiva ou Shiva), Vishnu {lié au culte du Soleil
mais qui n'est pas encore ledieu prééminent qu'il deviendra).
La religion védique accorde une importance considérable au rite
du sacrifice propitiatoire d'un ou de plusieurs animaux ou même d'un être
humain dans certains cas.
La religion védique n'est pas individuelle. Elle est celle d'une famille
ou d'un clan: les initiés font partie de familles considérées
comme socialement dignes d'exécuter les rites révélés
par les textes sacrés des Véda {origine des castes). Le système
védique repose sur trois éléments solidaires les uns des
autres et s'influençant mutuellement: le groupe humain, le cosmos et
les dieux.
A l'époque védique apparaît déjà le concept
abstrait de brahman, cherchant à faire rentrer dans un principe unitaire
la multiplicité des phénomènes et la pluralité des
dieux, marquant donc une tendance vers le monisme. Le principe du brahman sera
personnifié plus tard par le dieu Brahmâ. L'invocation sacrée
ou mantra est revêtue d'une puissance magique.
Dans la religion védique le devenir après la mort est peu explicité:
les morts vont rejoindre le domaine des ancêtres où ils restent
pour l'éternité.
Les quatre Veda
Le Rig Veda (" Le Savoir mls en strophes ") a probablement
été composé entre 1500 et 900 av. J.-C. Il se compose de
1028 hymnes sacrificiels que les prêtres récitaient au cours des
cérémonies religieuses. C'est grâce au Rig Veda que la religion
des populations aryennes installées en Inde nous est connue.
Le Sâma Veda présente moins d'intérêt historique
que le Rig Veda, car il rassemble seulement des versets issus pour la plupart
du Rig Veda et transformés en chants liturgiques.
Le Yajur Veda a été composé un ou deux siècles
après le Rig Veda. Il comprend des formules en vers et en prose que le
prêtre qui effectuait le sacrifice devait prononcer. Il est composé
de deux recueils (ou samhitâ) différents: dans le premier les formules
sacrificielles sont accompagnées de simples notations intercalaires,
dans le second elles sont complétées par des commentaires détaillés
ou brâhmana.
L'Atharva Veda contient essentiellement des formules magiques et des
incantations en vers. Il a été composé postérieurement
au Yajur Veda. C'est l'interprétation populaire de la religion védique
pratiquée par les Aryens.
Les textes des quatre Veda constituent la Révélation ou Çruti.
Du xe au V" s. av. J.-C. deux autres recueils importants de la religion
védique s'élaborent progressivement: les Brâhmana et les
Upanishad (certains Upanishad sont de date plus récente). Les Brâhmana,
commentaires des Veda, donnent également des interprétations des
cérémonies du sacrifice. Les Upanishad (ou " Séances
") reprennent d'une façon plus ésotérique les grands
principes de la religion et de l'enseign.ement brahmanique en y ajoutant les
observations scientifiques.
La période brahmaniste se situe vers le Vie ou le Ve s. av. J.-C. jusqu'au
début de l'ère chrétienne.
Le brahmanisme se présente comme le prolongement du védisme avec
une orientation de plus en plus marquée vers la philosophie et la mystique.
Onnote en effet une évolution au cours des temps des textes védiques
auxquels s'ajoutent progressivement vers la fin de la période védique
(IXe-Vllle s. av. J.-C.) des commentaires philosophiques et religieux ou Brahmana,
puis des textes scientifiques les Upanishad.
Le terme brahmanisme dérive de la notion de brahman, principe unitaire
abstrait (Prière, Parole, Energie universelle), de celle de brahmana
(commentaires des Véda) et de celle de brâhmana ou brahmane désignant
le prêtre initié au brahman .
Le brahmanisme conserve tous les dieux védiques, mais certains d'entre
eux perdent ou gagnent de l'importance.
Trois dieux dominent le panthéon brahmanique, formant peu à peu
une triade divine .
Brahmâ, personnification du concept de brahman, est le Créateur de l'Univers.
Vishnu présenté comme un dieu solaire parcourant l'espace cosmique.
Çiva ou Shiva qui s'identifie au dieu terrifiant védique
et même prévédlque Roudra.
Indra, dieu guerrier important de la religion védique, devient un dieu
très secondaire pour ne pas dire inexistant dans le panthéon brahmanique.
Le concept unitaire abstrait de brahman qui apparaît vers la fin de la
période védique, attribue la création de l'Univers à
la Parole sacrée dont les prêtres ou brahmanes sont les seuls détenteu
rs.
Le brahmanisme ajoute au védisme une notion individuelle, celle d'un
" soi " individuel ou " âtman ".
Brahman et âtman constituent deux principes identiques se rapportant l'un
à l'Absolu et l'Universel, l'autre à une force individuelle.
Le brahmanisme définit donc un " Soi " universel représentant
l'essence des choses dans leur totalité, qui a son siège dans
le Soleil et un " Soi " individuel, force vitale dominant les sens,
qui a son siège dans le coeur et qui est périssable. Cette dernière
notion débouche sur le mystère de l'au-delà et le sort
qui attend les défunts. Elle se complique en faisant apparaître
deux autres notions entre le Ville et le Vie s. av. J.-C. : le karman et le
samsâra .
Le sort des défunts dépend de leur conduite ici-bas, de leurs
actes bons ou mauvais dont le karman représente le bilan
Les actes considérés comme bons comptent pour une nouvelle vie
, égale ou supérieure à la condition humaine, une renaissance
dans un état meilleur. Les actes mauvais condamnent l'homme à
une re-naissance dans une condition sociale inférieure ou même,
dans les cas d'indignité profonde, à une re-naissance dans le
règne animal.
L'âtman ou " Soi" individuel représente alors l'âme
qui connaît donc des transmigrations dans un ou plusieurs corps successifs
suivant le bilan du karman. Le cycle de ces transmigrations constitue le samsâra
qui se présente comme un courant continu et perpétuel, comme la
rotation d'une roue, emportant les êtres humains vers leurs re-naissances.
Ce mouvement perpétuel fait partie d'un ordre universel défini
par le brahmanisme sous le nom de dharma.
Le comportement moral individuel et le zèle religieux (poûjâ)
contribuent au maintien de l'ordre universel (dharma). Le sacrifice propitiatoire
auquel le védisme attachait une énorme importance n'a plus sa
place dans le brahmanisme puisque l'homme agit lui-même sur l'ordre cosmique
par ses actes bons ou mauvais. Au cours de la période brahmanique (Vie
s. av. J.-C. -Ier s. av. J.-C.) la société indienne s'organise
en classes de plus en plus distinctes et évolue vers un système
de castes de plus en plus cloisonnées.
Comme le brahmanisme, l'hindouisme est 1e prolongement direct du védisme. Le terme hindouisme a été donné par les envahisseurs islamiques aux croyances des populations de la région de l'Indus qui pratiquaient la religion brahmanique. Ce qualificatif s'est étendu ensuite à tous les brahmanistes de l'Inde. Mais l'hindouisme représente une forme très évoluée du brahmanisme. Il se présente comme une religion qui rompt avec l'intransigeance et la rigidité du brahmanisme en lai'$sa nt espérer des voies de salut.
L'hindouisme conserve la triade divine de la période brahmanique. Brahmâ,
Vishnu et Shiva, à laquelle s'ajoutent des divinités très
nombreuses mais moins importantes dans la hiérarchie. Cependant certaines
de ces divinités secondaires sont particulièrement honorées
et prennent une place plus ou moins importante suivant les régions.
Brahmâ personnifie toujours le principe du brahman en tant qu'Absolu et
Créateur du monde.
Vishnu est toujours le dieu solaire parcourant l'espace, " couché
les yeux ouverts sur le serpent d'éternité au milieu de l'océan
cosmique ", garant de la paix universelle.
Il peut se manifester par de nombreuses incantations occasionnelles désignées
par le terme d'avatâra (leurs formes les plus archaïques sont animales).
Vishnu peut être le dieu guerrier Krishna vénéré
particulièrement dans la région de Mathurâ aux alentours
de l'ère chrétienne; il est encore vers le Xe s le dieu bucolique
des bouviers du Bhagavata Purana ; Râma le célèbre héros
du Râmâyana se rattache à Vishnu.
Dans toute l' Inde de vastes temples ont été édifiés
en l' hon1eur de Vishnu dont les attributs sont la roue (chakra), la :;onque
(çankla) et la massue (gadâ).
~iva ou Shiva, dieu violent et destructeur, présente aussi des aspects
bienveillants et bénéfiques. Ascète par excellence, il
~st Maître des Arts, le Maître de la Connaissance. Il apparaît
fréquemment, surtout dans le Sud de l'Inde, comme le Maître je
la Danse cosmique, Nâtarâja, qui à la fois détruit
et recrée le monde. il est alors figuré avec quatre bras symbolisant
sa toute puissance, un oeil frontal vertical avec lequel il foudroie, tenant
dans ses mains supérieures un tambour damaru) et le feu de la Connaissance
(Jnana).
-L'attribut de Shiva est le trident. Le dieu est la plupart du temps représenté
sous son aspect menaçant avec des crocs saillants, des yeux exorbités,
des sourcils froncés et des cheveux hérissés. Sa monture
sacrée (vâhana) est le taureau andin.
-L'emblème phallique de Shiva est le linga auquel un culte est rendu.
Le linga est considéré comme l'axe du monde, le pilier ;osmique.
Dans ies sanctuaires de Shiva, le linga se présente comme une pierre
façonnée qui se dresse au centre de la 'oni, symbole féminin.
Les épouses des dieux sont issues des déesses-mères de
la préhistoire. Les parédres de Vishnu sont Devi (la déesse)
ou encore Lakshmi souvent représentée au-dessus de la porte des
sanctuaires, aspergée d'eau par deux éléphants, symbolisant
le rite du sacre royal (abhishaka) par lequel les brahmanes administrent l'eau
sacrée.
Les parèdres de Shiva sont différentes selon qu'il prend sa forme
violente ou paisible. On distingue donc pour les épouses douces Oûmâ
et PârvatÎ, pour les formes agressives Doûrgâ et KâIÎ.
La religion hindouiste se caractérise par le désir d'échapper
au cycle inéluctable de la transmigration des âmes ou samsâra
par la pratique quotidienne de rites religieux individuels, familiaux ou collectifs.
Le développement de la notion de nonviolence (ahimsâ) fait que
le sacrifice expiatoire est complètement abandonné (sauf pour
certaines divinités féminines comme Kâli dans le Sud de
l'Inde) et remplacé par des offrandes .
Pour interrompre le cours inéluctable du samsâra et atteindre le
salut (moksha), trois voies sont possibles :
- discipline des actes (karmayoga)
- acquisition de la Connaissance (jflanayoga)
- dévotion totale ou bhakti (cette dernière voie s'est beaucoup
développée dans l'hindouisme, favorisant la naissance de très
nombreuses sectes, la bhakti étant la source d'élans mystiques).
L'hindouisme voit dans l'Univers un cycle similaire à la samsâra
pour l'individu, avec une alternance de périodes d'émergence (ou
kalpa) et de périodes de transition (yuga) précédant une
destruction partielle du monde puis un chaos total (pralaya) d'où le
monde sortira rénové pour un nouveau cycle. Les phases du cycle
de l'Univers sont régies par le principe immuable du brahman ou Absolu.
Actuellement le monde se trouve dans la quatrième phase de son cycle,
le Kâliyuga ou phase de la guerre qui précède immédiatement
le chaos total ou pralaya du cycle. Les hindouistes attendent un futur Messie,
MaÎtraya qui apparaîtra à l'Occident vêtu de blanc.
Forme évoluée du culte primitif de Rudra-Çiva, enrichi
d'apports successifs, le çivaisme tend à partir du IV" s
ap J-C, à se constituer en système religieux et philosophique
universel, au sein de l'hindouisme, concurremment avec le culte de Vishnu Il
donne une grande importance à l'élément féminin;
il manifeste un penchant pour le yoga et le tantrisme plus que pour la bhakti.
Religion d'Etat dans une grande partie de l'Inde à partir du VII"s
ap J-C
Religion moins unitaire que le Çivaisme Se présente plutôt comme la synthèse des cultes de différents dieux ou héros légendaires: Vâsudeva, Krishna, Râma (ces deux derniers sont devenus des avatars de Vishnu). Vishnu représente l'Absolu qui s'incarne dans différents personnages dans certaines circonstances afin de rétablir l'Ordre cosmique. Dieu de la communication et du message: importance de la bhakti. Le texte fondamental du vishnuisme, le Vishnu Purâna est composé entre le Ill" et le V" s. ap.
Au VIe s. av. J.-C. l'Inde était partagée entre de nombreux Etats.
Le roi de Perse, Darius, envahit à cette époque le nord-ouest
du pays et le Penjâb restera sous la domination des Perses achéménides
jusqu'à la fin du IVe s. av. J.-C.
Deux grandes religions apparaissent au Magadha (Gange oriental), le jaïnisme
et le bouddhisme, en réaction contre le brahmanisme. Leurs fondateurs
respectifs, Mahâvira "< Grand Héros ") et Bouddha
"< L'Eveillé ") appartiennent tous deux à la caste
des guerriers. Leur existence est historiquement prouvée. Ces deux religions
sont semblables dans leurs grandes lignes. elles rejettent le système
des castes favorisé par le brahmanisme tombé dans un formalisme
étroit; elles prêchent une vie d'ascèse pour trouver le
salut et sortir du cycle inéluctable des réincarnations auquel
le brahmanisme condamne tout individu.
Le bouddhisme se répandra largement dans le monde, tandis que le jaïnisme,
qui ne compte plus actuellement qu'environ deux millions d'adeptes, ne survivra
que dans quelques régions de l'Inde.
A l'origine du mouvement réactionnaire contre l'intransigeance des brahmanes
sur le plan social et moral, le prince Siddhârta "< But atteint
") de la lignée des Çâkya fixée aux confins
du Népal et du royaume du Magadha (Gange oriental), connu sous le nom
de Çâkyamuni "< Le moine des Çâkya ")
et qualifié de Bouddha c'est-à-dire " L'Eveillé ",
celui qui a atteint la Bodhi (l'Eveil spirituel). Çakyamuni s'élève
contre le cycle des re-naissances (samsâra) et contre la compartimentation
rigoureuse des castes.
Dans ses prêches il explique que puisque toute vie est souffrance, il
faut supprimer cette souffrance par l'extinction du désir, source de
douleur, sans forcément recourir à des solutions extrêmes,
mais en adoptant en tout une modération qui conduira au salut (moksha).
Dans le bilan des actes bons et mauvais (kârman) les actes charitables
prennent une grande importance et s'additionnent même d'une vie à
l'autre: il existe alors une possibilité pour l'individu d'arrêter
le cours du samsâra. Le bouddhisme se présente donc comme une libération
de l'individu qui devient maître de son salut. Bouddha entouré
de disciples toujours plus nombreux, ; prêcha jusqu'à la fin de
sa vie (80 ans), f6ndant les bases d'une nouvelle religion.
Un grand nombre de moines se rassemblèrent peu à peu après la mort du Bouddha à Râjagriha (à 100 km au sudest de Patna), la capitale du Magadha, où ils tinrent le premier concile bouddhique.
Le troisiéme roi de la dynastie Maurya, originaire du agadha Ashoka (269-232
av JC) favorise le développement de la nouvelle religion qui prend une
énorme importance en Inde ; pour la période allant du II°
s av J.-C. au Ile s. ap. J.-C. l'importance des ruines de monuments bouddhiques
dépasse celle des vestiges du brahmanisme, de l'hindouisme et du jaïnisme
réunis.
Une centaine d'années après la mort du Bouddha se produit une
scission de l'Ordre bouddhiste en deux branches :
. la branche orthodoxe des Sthaviravâdin ou des Theravâdi, c'est-à-dire
" Fidèles à l'enseignement des Anciens ", qui reste
seule en accord avec l'enseignement de Bouddha et qui est encore vivace à
Srî Lanka, en Birmanie, au Cambodge, au Laos et en Thaïlande. Alors
que certaines sectes définissent un Grand Véhicule ou Mahâyâna
pour atteindre le salut, les Sthaviravâdin et d'autres sectes apparentées
ne disposent que d'un Petit Véhicule ou HÎnayâna.
Le bouddhisme du Petit Véhicule professe que l'Homme dans sa quête
du salut s'élève au-dessus des dieux qui ne peuvent empêcher
celui dont la conduite a été conforme aux règles morales
d'atteindre le Nirvâna (béatitude suprême) qui lui reste
acquis à jamais (notion d'éternité dans le salut) ;
. la branche des Mahâsanghika ou " Membres de la Grande Communauté
" qui se divisera à son tour par la suite en deux rameaux différents
du bouddhisme, le Mahâyâna ou Grand Véhicule et le Vajrayâna
ou Véhicule du Foudre.
Les nombreuses sectes bouddhistes qui se forment tendent vers un théisme,
une approche du divin par l'intermédiaire de Bodhisattva, incarnations
du Bouddha, qui renoncent à atteindre l'ultime étape de la transmigration,
pour assurer le bien-être des vivants. D'autres Bodhisattva attendent
dans les cieux le moment propice pour intervenir, comme le futur Bouddha, Maitreya,
qui s'incarnera une dernière fois pour sauver le monde du chaos. Pour
les doctrines anciennes, le Bodhisattva progresse dans la voie de la sagesse
et de l' amou r, à travers de nombreuses re-naissances, jusqu'à
devenir un Bouddha.
Pour le Mahâyâna ou Grand Véhicule, le Bodhisattva doit s'efforcer
en permanence d'aider tous les êtres engagés sur le chemin de la
perfection et ne connaître aucun repos tant que tous les vivants ne l'auront
pas atteinte (croyance en la transmissibilité des mérites).
Dans le bouddhisme du Grand Véhicule, Bouddha n'est plus considéré
comme un être humain mais comme un Corps essentiel en rapport avec l'Univers;
il possède trois cOrps: un Corps essentiel, un Corps de félicité,
un Corps créé (ce dernier est le seul apparaissant sur terre)
; ce Corps créé n'est que l'émanation du Corps de félicité
qui cessera d'exister au moment de la résorption finale de toutes choses
dans le Corps essentiel.
Le Mahâyâna se répandra dans les pays des mers du Sud où
il coexiste avec l'hindouisme. Il sera supplanté par le bouddhisme orthodoxe
Theravâda en pays Khmer et par l'Islam en Indonésie.
Le Vajrayâna apparaît en Inde occidentale au Ville s. ap. J.-C
et se répand rapidement dans l'Inde du Nord-Est :Bengale et Bihâr)
avant de s'implanter au Népal et au ribet au cours du Xie s. Il sera
la religion officielle de cette jernière région jusqu'à
l'exil récent du Dalaï Lama en Inde.
Pour les partisans du Vajrayâna, le meilleur moyen j'accéder au
Nirvâna est d'acquérir des pouvoirs magi~ues qu'ils dénomment
foudre ou diamant (Vajra, d'où le 1om de Vajrayâna).
Les divinités féminines réapparues très tôt
dans le panthéon du Grand Véhicule où elles jouent un rôle
compa'able à celui des déesses hindouistes, tiennent une grande
place dans le Vajrayâna. Epouses des Bouddha et Jes Bodhisattva, elles
sont désignées sous le nom de Târâ (Salvatrices) et
s'opposent aux déesses maléfiques. Jes ouvrages, les Tantra, exposent
les moyens de parlenir à subjuguer les forces du mal (d'où le
nom de reli~ion tantrique ou tantrisme) en prononçant des formules ::tppropriées.
Jans le bouddhisme tantrique tous les interdits se troulent abolis. Le membre
de la secte Vajrayâna peut mener Jne vie normale à condition de
respecter le rituel des cérémonies sacrées au cours desquelles
il se purifie.
Le bouddhisme a fait l'objet de nombreuses persécutions ,n Inde mais
la cause principale du déclin de cette religion ,n Inde est en réalité
une renaissance de l'hindouisme qui
I débuté en pays tamoul au Sud pour remonter vers le Ijord, à
partir du IXe s. A l'époque gupta, certains moines )ouddhistes rejoignent
les manifestations religieuses hinjouistes. A l'époque médiévale,
Bouddha devient au nord je l'Inde le neuvième avatar du dieu hindouiste
Vishnu. Le Jouddhisme après être devenu une secte hétérodoxe
de 'hindouisme, ôisparaîtra du territoire de l'Inde.
nom donné par dérision aux partisans du bouddhisme ancien par les adeptes du Grand Véhicule qui les accusaient de s'en tenir à une interprétation trop superficielle de l'enseignement du Bouddha
forme élaborée du bouddhisme définissant une voie élargie de salut (d'où son nom) par le renoncement provisoire du Bouddha au Nirvâna (délivrance personnelle) pour aider autrui à trouver son salut A donné le culte ,du Bouddha renonçant et compatissant Au Vile S le Grand Vehicule a supplanté le Petit Véhicule dans presque toute l'Inde, sauf à Ceylan
Aucune condition de caste n'est exigée pour entrer dans l'Ordre de Bouddha
Cependant les esclaves, les soldats, les débiteurs, tous ceux qui se
trouvent dans un état de dépendance, doivent demander une autorisation
à leur maÎtre Le cérémonial d'intronisation est simple.
Le futur novice revêt les trois robes jaunes ou orange de l'Ordre, se
rase le crâne de façon rituelle et prononce la formule des Trois
Joyaux et des Dix Préceptes (Vreuxf Il doit renouveler son engagement
à intervalles réguliers On peut entrer dans l'Ordre bouddhique
dès l'âge de 8 ans mais on ne devient membre de l'Ordre qu'à
partir de 20 ans et après une longue période d'instruction.
Le moine mendie chaque matin sa nourriture qu'il rapporte au monastère
où le repas de midi est pris en commun mais lorsque le monastère
s'est suffisamment enrichi la mendicité n'est plus qu'une formalité
ou est complètèment abandonnée Le chef du monastère
est désigné par les moines de sa communauté Un comité
des Anciens de l'Ordre gère le monastère. Les moines se réunissent
environ deux fois par mois, à la pleine et à la nouvelle lune
pour une sorte de confession générale (uposatha). La vie monastique
comporte des heures d'études et des exercices religieux mais aussi des
travaux pour l'entretien du monastère. Parmi les exercices religieux
les plus importants: les Quatre Sublimes Dispositions (Brahma-vihâra)
au cours desquelles le moine, assis en tailleur, s'efforce de concentrer sa
pensée sur les quatre vertus essentielles du bouddhisme (l'amour, la
pitié, la joie et la sérénité) qui permettent de
s'approcher du Nirvâna. Un autre élément de la discipline
mentale à laquelle est astreint le moine bouddhique est la Juste Conscience:
le moine doit constamment s'observer en prenant conscience de tous ses actes
et de toutes ses pensées. Des monastères de femmes ont existé
en Inde Les religieuses étaient soumises aux mêmes règles
que les hommes Sauf au Tibet, le bouddhisme monastique n'est plus actuellement
pratiqué que par des hommes
. Concile de Râjagriha peu après la mort de Bouddha au cours duquel
l'un de ses disciples, Upâli, énonce les règles de l'Ordre
(Vinaya Pitaka) telle§ qu'elles ont été formulées
par son maÎtre; un autre disciple, Ananda, restitue les sermons (Sutta
Pitaka) prononcés par le Bouddha
. Concile de Vaiçâlî (ville actuelle de Basârh, dans
le BÎhar) une centaine d'années après la mort du Bouddha
Des divergences sur des questions de discipline monastique provoquent la division
de l'Ordre en deux branches (branche orthodoxe des Sthaviravâdin ou TheravâdÎ
ou Il Fidèles à l'enseignement des Anciens ii et branche des Mahâsanghika
ou Il Membres de la Grande Communauté iif
. Concile de Pâtaliputra sous le patronage du roi Ashoka, confirmation
de l'orthodoxie des TheravâdÎ
Le bouddhisme devenu une véritable religion puise largement dans les
croyances populaires de l'époque; il reprend le culte brahmaniste des
caitya ou lieux sacrés (édification des premiers stûpa bouddhistesf
A l'époque d'Ashoka, l'Inde était couverte de vihâra, à
la fois monastères et temples Le bosquet ou arbre sacré de l'ancien
culte animiste populaire devient l'arbre Bodhi, commémorant l'illumination
du Bouddha.
. Concile du Cachemire sous le patronage de Kanishka, roi de la dynastie Kushan
(I-lle s. ap J.-CJ: codification des doctrines d'une secte hétérodoxe,
les Sarvâstivâdin, implantée dans la région de Mathurâ
et au Cachemire, et dont la doctrine a peut-être favorisé l'éclosion
de la doctrine du Grand Véhicule
Le fondateur du jaïnisme, Vardhamâna Mahâvina (Grand Héros),
surnommé le Jina (le Vainqueur) s'élève comme le Bouddha
contre les excès du brahmanisme. Il impose à ses adeptes une discipline
stricte qui fait progresser très rapidement la doctrine qu'il prêche.
Mais, contrairement au bouddhisme, la nouvelle religion ne sortira jamais des
frontières de l'Inde.
Vardhamâna, originaire comme Bouddha du Gange oriental, mène une
vie errante, mendiant et méditant, s'imposant des privations et organisant
des discussions religieuses. Il dispense son enseignement dans la Vallée
du Gange, protégé par les mêmes grands rois qui favorisent
le développement du bouddhisme. Il est accompagné d'un partenaire,
Goçâla Maskarîputra, qui vit de la même façon
qU? lui, mais finalement le quitte pour fonder la secte des Ajîvika. Vardhamâna
meurt à soixantedouze ans vers 468 av. J.-C.
Par la pratique d'une vie ascétique, Vardhamâna parvient à
la Connaissance parfaite et au Nirvâna : il est devenu un Arhant (un Saint
totalement détaché des passions), un Jina (Conquérant),
un Passeur de Gué.
Le roi maurya Candragupta se convertit à la religion jaïna et abdique
pour devenir moine. Sous le règne des Maurya, le jaïnisme se développe
très rapidement. Vers la fin du Ille s. av. J.-C. une disette dans la
Vallée du Gange provoque l'exode de moines jains vers le Deccan où
ils fondent des monastères importants.
La religion jaïna, comme le bouddhisme orthodoxe (Theravâda) est
une religion athéiste qui n'attache qu'une importance secondaire aux
dieux. Le Monde obéit à des lois universelles qu'aucun dieu n'est
capable de modifier. L'Univers est incréé et éternel; il
obéit à une série de cycles avec une alternance de périodes
de développement (utsarpÎni) et de déclin (avasarpinÎ),
de 40 000 ans chacune. Chaque période reproduit exactement les événements
de la précédente. Au cours des périodes ascendantes, 63
hommes exceptionnels, parmi lesquels 24 Passeurs de Gué (Tîrthankara,
du nom donné au Jina de son vivant), se succèdent et atteignent
une taille démesurée, évoquant l' Homme universel ou Pourousha
du brahmanisme. Comme les hindouistes, les jaïns considèrent l'époque
actuelle comme une période de déclin. Mais bien que proche de
celle de l'hindouisme, la cosmologie jaïn ne prévoit pas d'anéantissement
final.
La doctrine jaïn définit sept catégories fondamentales qui
assurent le fonctionnement de l'Univers parmi lesquelles on trouve les âmes
(jÎva) et le salut (moksha). Les hommes, les animaux et les plantes ont
une âme. Pour atteindre à la béatitude et à la délivrance
(moksha) l'âme doit se détacher du karman (bilan des actes bons
et mauvais) qui l'entraîne vers le cycle des réincarnations. L'homme
ne peut atteindre le Nirvâna, c'est-à-dire le salut que par la
vie monastique.
La doctrine jaïn restera assez homogène sur le fond, à part
un schisme survenu semble-t-il vers le milieu du Ille s. av. J.-C. Ce schisme
deviendra définitif vers le début de l'ère chrétienne.
Il fait apparaître deux sectes jaïns :
. La secte des Digambara "< Vêtus d'espace " c'est-àdire
nus) qui préconise de ne porter aucun vêtement comme le Jina à
la fin de sa vie. Cette secte est fondée par Bhadrabâhu, chef des
émigrés jaïns du Deccan.
. La secte des Çvetâmbara "< Vêtus de blanc ")
fondée par Sthûlabhadra qui dirigeait les moines demeurés
au nord malgré la famine qui y régnait.
La division entre ces deux sectes s'est maintenue jusqu'à nos jours sans
qu'il y ait de différence fondamentale de doctrine entre elles.
Fondée par un compagnon de Vardhamâna (Le Jina), Goçâla
Maskarîputra, la secte des Ajîvika se développa en même
temps que le bouddhisme et le jaïnisme.
Elle connut une phase prospère sous la dynastie des Maurya. Ashoka et
son successeur Daçaratha lui firent don de plusieurs grottes pour y installer
des monastères. La secte ne s'est ensuite maintenue qu'au Karnâtaka
oriental et au Tamilnâdu au sud de l'Inde. A partir du XIVe s. il n'est
plus fait mention de cette secte.
On connaît la doctrine des Ajîvika par les mentions qui en sont
faites.dans les textes bouddhiques et jaïns (les Ecritures des Ajîvika
ne nous sont pas parvenues). Elle procède d'un déterminisme très
strict. Pour les bouddhistes et les jaïns, l'homme peut agir s.ur sa destinée
par ses actes bons ou mauvais. Pour les Ajîvika, un principe cosmique
détermine et conditionne l'Univers dans tous ses détails. le Niyati
ou le destin auquel l'Homme ne peut échapper.
Les moines âjîvika pratiquent cependant un ascétisme rigoureux
pour se conformer au destin, mais le monde est pour toujours immobile et immuable.
A.F.
Pour en savoir plus................
Hindouisme
J Gonda, les Religions de l'inde, t Il, l'Hindouisme récent, Paris, 1965
L. Renou, l'Hindouisme, Paris, 6" éd, 1974
RC Zaehner, l'Hindouisme, Paris, 1974
Bouddhisme et jaïnisme
A Bareau, Recherches sur la biographie du Bouddha, 2 vol., Paris, 1963 et 1972
A Bareau, les Religions de l'inde, t Ill, Bouddhisme, jaihisme, religions archaiques,
Paris, 1966
E Lamotte, Histoire du bouddhisme ancien, Louvain, 1958
J Naudou, les bouddhistes cachemiriens au Moyen Age, Paris, 1969; le Bouddha,
Paris, 1973